Film: "Les Résistants du train fantôme"
Film écrit et présenté par Guy Scarpetta
Version tv 52 mn
Version cinéma 84 mn
Version tv 52 mn
Version cinéma 84 mn
Réalisé par Jorge Amat
Produit par Alkimia productions
Le film évoque la vie et
les luttes de quelques-uns des 750 déportés résistants qui furent acheminés
vers Dachau, pendant deux mois, l'été 44, dans l'un des derniers trains de la
mort, le train fantôme…
" LE TRAIN FANTÔME
" fait partie des derniers convois. Le plus long dans son déroulement, le
plus malchanceux car il devance inexorablement l'étendard de la liberté que
représente la montée des alliés en Provence
En route vers le camp de Dachau, en Allemagne, le
train fantôme, a mis deux mois pour arriver à sa destination, pour un trajet
qui se faisait généralement en trois jours !
30
juin 1944. Le débarquement en Normandie a eu lieu, la France peu à peu se
libère. C'est au milieu de ce champ de bataille, alors que la défaite allemande
se profile, que la France de Vichy va livrer un des derniers convois de
déportés aux Nazis. Les services de sécurité du Reich estiment en effet que la
masse impressionnante des détenus des prisons et des camps français ne doit en
aucun cas grossir les rangs des Forces Alliées débarquées en Normandie, mais au
contraire participer dans les camps de concentration à l’effort de guerre
allemand.
Résistants,
Juifs, communistes, Républicains espagnols, Italiens antifascistes, Polonais,
hommes et femmes, quelque 750 personnes au total, vont traverser un pays en
proie à la grande bataille de la libération.
Cette
“ commission mobile pour le contrôle et la vérification de la
ferraille ” (allusion aux gares peuplées de wagons éventrés, de
locomotives détruites par l'aviation alliée), selon l'expression ironique
adoptée par une partie des déportés, deviendra bientôt "le Train
fantôme", sillonnant pendant 54 jours une France hagarde, tantôt
bienveillante, tantôt hostile.
Tout
commence à Toulouse, le 3 juillet 1944. Sur les quais de la gare de
marchandises Raynal, un train part. Le débarquement en Normandie presse la
constitution des convois à destination des camps. Dans les wagons à bestiaux,
près de 550 prisonniers juifs, Résistants, réfugiés espagnols et italiens sont
entassés depuis la veille. Ils viennent de la prison Saint-Michel, de la
caserne Caffarelli, des camps du Vernet et de Noé.
Le train passe par Bordeaux pour gagner
Paris puis l'Allemagne. Mais le parcours est chaotique. La Résistance et les
alliés le mitraillent, font sauter des ponts et facilitent les évasions. Tout
est fait pour contrer l'avancée du convoi.
À
Angoulême, le train, bloqué, revient alors à Bordeaux. Du 12 juillet au
9 août, les femmes sont enfermées à la caserne Boudet et les hommes à la
synagogue. Certains sont fusillés.
Quand
le train repart, 150 prisonniers du fort du Hâ ont rejoint le convoi. Dans les
wagons, la chaleur est insupportable. La nourriture manque, l'eau aussi et le
chemin, pourtant, est encore long.
Carcassonne,
Nîmes... Ils remontent la vallée du Rhône tandis que les Résistants continuent
de retarder le convoi. Le 18 août, la locomotive est bloquée à Roquemaure.
Les Allemands décident de rejoindre la gare de Sorgues à pied pour prendre un
autre train. L'Allemagne et ses camps se rapprochent.
Le convoi arrive le 28 août à
Dachau après deux mois de cauchemar pour un trajet qui se faisait généralement
en trois jours ! Le “Train fantôme” restera dans l'histoire comme le plus long
dans son déroulement. Guy Scarpetta
NOTE
D’INTENTION
Qu'est-ce que le « Train Fantôme » ? L'un des derniers
convois de déportés, qui mit près de deux mois, depuis son premier
départ de Toulouse, à transporter sa cargaison de prisonniers vers Dachau.
Cela, en juillet et août 1944, alors que la France se libérait, que l'aviation
alliée bombardait les gares et les voies ferrées, que les maquis faisaient
sauter les ponts, sabotaient les rails. Ce nom de « Train Fantôme »
lui fut donné très tôt, parce qu'il ne cessait d'apparaître, de disparaître, de
s'évanouir dans la nuit, de se recomposer, de réapparaître, avec son chargement
de damnés, un peu comme le vaisseau fantôme des légendes.
Un train où furent
entassés, dans des wagons à bestiaux, autour de 750 déportés, dont une
soixantaine de femmes, presque tous résistants, et de toutes les nationalités
d'Europe, livrés par la police française aux Allemands.
Aucun convoi de déportation
n'a mis aussi longtemps à atteindre sa destination. Aucun, non plus, n'a compté
autant d'évasions (autour de 200).
536 déportés de ce convoi
ont été immatriculés à leur arrivée à Dachau – dont près de la moitié n'a pas
survécu à l'enfer des camps.
Je n'ai cessé, depuis une
quinzaine d'années, d'être hanté par cette histoire méconnue, enfouie et
ignorée pendant longtemps, et aujourd'hui encore très largement évacuée de la
mémoire officielle.
Au point d'avoir eu envie
de la ressusciter concrètement, de lui donner vie, par des mots et par des
images, par des souvenirs et des témoignages.
Au-delà de la chronique
Il se trouve que mon propre
grand-père, Guido Palmino, un résistant d'origine italienne opérant dans le
département de l'Indre (dans la zone d'influence du maquis du Limousin dirigé
par Georges Guingouin), arrêté à la fin de 1942, puis interné au camp de
concentration français du Vernet, en Ariège, où le régime de Pétain avait
parqué par milliers les « étrangers indésirables », a fait
partie de ce convoi. Pendant longtemps, dans ma famille, on a tout ignoré de
cet épisode. Je savais que Guido était mort à Dachau, le 1er février 1945, près
de deux ans avant ma naissance, mais personne n'était informé, autour de moi,
de ce terrible voyage qui avait précédé son arrivée au camp. Cela ne m'est
parvenu que peu à peu, presque par hasard : c'est au milieu des années 90
que j'ai appris qu'une amicale s'était créée, dans le Vaucluse, non loin de
l'endroit où je passe régulièrement l'été depuis des années, vouée à faire
connaître ce chapitre oublié de l'histoire de la déportation. A partir de là,
tout s'est enchaîné.
Lorsque j'ai entrepris, il
y a sept ans, de reconstituer la vie de ce grand-père, d'en exhumer ce qui
était plongé dans l'obscurité, j'étais encore loin de deviner où cela allait
m'entraîner. Au fur et à mesure que je consultais des archives, des documents,
que je lisais les quelques récits sur cet épisode, que j'interrogeais, surtout,
les derniers témoins, et les derniers déportés survivants, il m'est apparu que
tout un monde enfoui s'ouvrait à moi ; que cette enquête excédait de très
loin la pure chronique familiale.
C'est de l'intérieur,
en quelque sorte, et dans l'écriture d'un roman (GUIDO, paru chez
Gallimard en 2014), que j'ai découvert tout un pan encore mal connu de
l'histoire de la Résistance et de la Déportation – et pressenti que celle-ci
comportait encore bien des angles morts.
Du roman au film
Cette histoire, dans le roman, obéissait à un
principe simple : tout devait être vu à travers le regard du personnage
principal, de Guido. Il y avait donc bien des éléments dont j'étais informé,
mais qui ne pouvaient pas trouver leur place dans un tel récit.
Autour de Guido,
apparaissaient des personnages fascinants, dont la vie (d'une extraordinaire
richesse) ne trouvait, sauf exception, pas place dans le livre.
Des événements, aussi,
essentiels, mais dont Guido ne pouvait pas avoir connaissance, et que j'avais
dû par là même renoncer à intégrer dans le roman.
En somme, j'avais recueilli
dans mon enquête tout un matériau non utilisé.
D'où l'idée qui m'est venue
d'élargir le champ. De me focaliser sur la part documentaire de cette
enquête (l'histoire des résistants du Train Fantôme), mais de mettre en lumière
tout le contexte historique et dramatique dans lequel cette histoire
s'inscrivait.
L'idée s'est imposée à moi
que c'était là la matière d'un film.
La rencontre avec Jorge
Amat, dont j'appréciais énormément les films documentaires (sur les Brigades
Internationales, sur les camps français, sur le groupe Manouchian, sur l'esprit
de résistance présent chez les déportés) m'a convaincu que c'était lui le
meilleur complice qui soit pour mener cela à bien.
Camp du Vernet 1944
Camp du Vernet 1944
Camp du Vernet- Ariège
Prisonniers du camp du Vernet 1939-1944
Le premier parcours du train
Le 30 juin 1944, le camp de
concentration du Vernet, passé directement sous le contrôle des nazis trois
semaines auparavant, est évacué. Qui sont les 403 derniers détenus ? Des
républicains espagnols, qui avaient rejoint la Résistance ; des anciens
des Brigades Internationales ; des antifascistes italiens, immigrés, et
qui avaient eux aussi prolongé en France, contre les occupants et leurs valets,
le combat commencé en Italie contre Mussolini ; des Allemands et
Autrichiens antinazis, qui avaient cru trouver refuge dans les « pays de
la liberté », des Tchèques, des Yougoslaves, des Polonais, et des
représentants de toutes les nationalités d'Europe – pour la plupart internés en
raison de leur participation, en France, à la Résistance.
Ces 403 détenus sont dirigés vers Toulouse. C'est de là que part, le 2
juillet, ce Train Fantôme où ils seront entassés dans des wagons à bestiaux,
souvent à plus de 60 par wagon, tandis que des voitures de voyageurs,
intercalées, accueillent les feldgendarmes de l'escorte.
Prison St Michel Toulouse 2016
On leur adjoint plus de 150
prisonniers, issus de la prison Saint-Michel de Toulouse, où ils étaient
incarcérés. Parmi eux, des FTP, des membres de l'Armée Secrète, des résistants
de divers mouvements (Combat, Libération) – et notamment
plusieurs membres de cette mythique 35ème brigade FTP-MOI de Toulouse, composée
de combattants d'origine étrangère, qui avaient accompli, pendant deux ans, des
centaines d'opérations armées contre les occupants (sans doute le groupe de
résistants, dans cette région, que les nazis redoutaient le plus). Beaucoup de
ces nouveaux prisonniers avaient été battus, torturés.
24 femmes, elles aussi
détenues pour faits de résistance, sont ajoutées au convoi, où on les enferme
dans un wagon spécial, qui leur est réservé.
Commence alors un calvaire
de deux mois. La tentative, alors que les voies ferrées du Limousin sont
coupées (le maquis de Guingouin contrôle toute la région, et s'efforce
d'entraver tout déplacement allemand vers le front), de contourner l'obstacle
en passant par Angoulême. Les rails sabotés, les gares détruites, les longs
arrêts, les retours en arrière, les nouveaux départs – et dans les wagons la
soif, la faim, la chaleur suffocante, l'insupportable promiscuité.
Le mitraillage du train, à
Parcoul-Médillac, par l'aviation alliée, qui l'avait pris pour un convoi
d'armement allemand, provoquant des morts, des blessés.
Le train revient à
Bordeaux, repart, y retourne, lorsqu'il fut acquis qu'au-delà d'Angoulême la
voie était impraticable.
Une synagogue transformée en prison
Les détenus, après cette
errance de onze jours, sont enfermés dans la synagogue de Bordeaux,
désaffectée, profanée, et transformée par les autorités allemandes en annexe de
la prison. Les femmes sont dirigées vers une caserne, où elles sont à leur tour
enfermées.
Les hommes internés à la
synagogue vont passer quatre semaines dans ce local saccagé, surpeuplé. Mal
nourris, envahis par la vermine, en butte aux brimades et aux sévices des
gardiens de l'escorte, ils apprennent à se connaître, et ne baissent pas la
tête.
Ils organisent même, le 14
juillet, une cérémonie patriotique, où, à la barbe de leurs gardiens médusés,
l'un d'eux (Noël Peyre-Vidal, un dirigeant de la Résistance dans l'Ariège)
improvise un discours exaltant la libération du territoire, prône le retour de
la République que le régime de Vichy avait voulu anéantir, fait acclamer le nom
du général de Gaulle – et où tous, unanimement, chantent La Marseillaise.
A la fin de ce même mois de
juillet, dix d'entre eux sont choisis, pris en otage, et seront fusillés par
les nazis au camp de Souge (Le « Mont-Valérien » de la région
bordelaise) – en représailles après l'exécution par des résistants d'un chef
local de la Résistance qui avait « passé un accord » avec la Gestapo
(la fameuse « affaire Grandclément »).
La marche forcée
Le 9 août, les prisonniers
sont dirigés vers la gare Saint-Jean, où le Train Fantôme a été reconstitué. On
leur adjoint alors 150 nouveaux déportés, des résistants du Sud-Ouest,
auparavant incarcérés au Fort du Hâ de Bordeaux ; parmi eux, une trentaine
de femmes. Le train commence alors la deuxième étape de son parcours :
très lentement, avec des arrêts prolongés, il se dirige vers la vallée du
Rhône, utilisant les rares tronçons de voies encore utilisables, pour tenter de
remonter vers le Nord. A Remoulins, nouvelle immobilisation prolongée du
train : les ponts que le convoi devait emprunter, à hauteur d'Avignon, ont
été détruits, ou endommagés, par l'effort conjoint des résistants et de
l'aviation alliée. On décide alors de faire remonter le train jusqu'à
Roquemaure, où l'on fera traverser le Rhône aux déportés, le 18 août, avant de
leur imposer une marche forcée de 17 kilomètres, sous un soleil torride –
jusqu'à la gare de Sorgues, sur la rive gauche du fleuve, au nord d'Avignon, où
un train a été reformé à l'identique, dans lequel on va de nouveau enfermer ces
centaines de détenus à bout de forces.
Les évasions se sont
multipliées depuis le départ de Bordeaux. A Sorgues, ce sont une trentaine de
prisonniers, activement aidés par les cheminots, qui parviennent à s'échapper
de la gare – avant d'être recueillis et cachés par plusieurs habitants du village,
et de trouver refuge dans les maquis de la région.
Une image ? Ce cortège
de plus de 700 déportés, hirsutes, sales, couverts de sueur et de poussière,
assoiffés, harassés, rudoyés par les gardiens de l'escorte, subissant la
terrible chaleur caniculaire des mois d'août provençaux, avançant vaille que
vaille, certains titubant, d'autres tombant, frappés d'insolation,
s'évanouissant, jetés dans le camion des « invalides » qui fermait la
colonne. Cela, pendant 17 kilomètres, au milieu des vignes de Châteauneuf-du-Pape.
Et pourtant, en traversant les rues de ce village, ils trouvent la force de
chanter, à nouveau, La Marseillaise. Comme pour indiquer aux habitants,
repoussés à l'intérieur de leurs maisons par les gardes allemands, qui
ils étaient – et leur suggérer que ces parias, ces proscrits, ces réprouvés, étaient
la France, à ce moment-là...
Plusieurs d'entre eux me
l'ont raconté. La Marseillaise : pour les uns, c'était avant tout
un chant national ; pour d'autres, un chant républicain ; pour
d'autres encore, un chant révolutionnaire. Et pour beaucoup, les trois à la
fois.
Les obstacles, et leur fatidique franchissement
Pour ceux que l'on a enfermés, à Sorgues,
dans le train reconstitué, le calvaire continue. Le 15 août, les armées alliées
avaient débarqué dans le Var, et entrepris la reconquête et la libération du
territoire, en remontant la vallée du Rhône, avec l'appui des maquis
locaux : le train ne les précède que de quelques jours.
A Pierrelatte, le 19 août,
un nouveau mitraillage de l'aviation fait cinq morts (dont Jacob Insel, grand
résistant juif polonais, l'une des figures de proue de la 35ème brigade FTP-MOI
de Toulouse), et de nombreux blessés.
Au nord de Montélimar, un
détachement des maquis de la Drôme tente une opération de commando pour libérer
les prisonniers, mais ces maquisards, inférieurs en nombre face aux gardes
nazis de l'escorte, doivent finalement se replier.
A plusieurs reprises, des
ponts sont détruits, et de nouveaux transbordements sont effectués. Ailleurs,
les voies ferrées ont été sabotées – on imposera à des cheminots
réquisitionnés, sous la menace des mitraillettes allemandes, de les réparer, et
le train finira par passer.
De longs arrêts dans des
gares dévastées, et parfois en pleine voie. Dans les wagons, toujours la soif,
la faim, la suffocation, les corps encastrés les uns dans les autres, les
sueurs qui se mêlent. Le convoi mettra finalement dix jours, depuis le départ
de Sorgues, avant d'arriver à Dachau. Dix jours de souffrance, et de terreur,
aussi, lorsque le train traversait des zones de combat...
L'inflexible obstination du
chef de convoi
C'est Marc Brafman, un
résistant juif polonais, déporté dans le train au milieu de ses camarades de la
35ème brigade FTP-MOI, qui m'a raconté cela, près de soixante ans plus
tard : lorsque le train est arrivé à la gare de Dijon, le 24 août, une
grande pagaille régnait sur les quais. Aucun autre train ne circulait plus ce
soir-là – au moment même, rappelons-le, où le premier détachement de la
division Leclerc entrait dans Paris insurgé... Un groupe de militaires
allemands (mais peut-être quelques civils s'étaient-ils mêlés à eux) s'est
alors adressé au chef de convoi, lui faisant valoir que c'était terminé, que la
guerre, pour eux, était perdue, que les FFI allaient tous les liquider – et lui
demandant de prendre place dans les voitures de l'escorte, pour rejoindre
l'Allemagne au plus vite.
On leur a opposé que ces voitures étaient déjà bondées. Ils ont supplié,
alors, qu'on libère les déportés, pour qu'ils puissent se substituer à eux dans
les wagons à bestiaux, seule façon de sauver leur peau. Le refus du chef de
convoi a été catégorique. Brafman avait un étrange sourire, amer, un peu
tremblant, en me racontant cela.
Les ultimes évasions, et
l'enfer des camps
Deux mois, depuis le
premier départ de Toulouse : aucun convoi de déportés, encore une fois,
n'a mis si longtemps à atteindre sa destination. Mais aucun convoi, non plus,
n'a compté autant d'évasions : près de 200, au total, favorisées par les
cheminots tout au long du parcours. Le plus grand nombre (autour de 70) en
Haute-Marne, alors que le train avançait au ralenti aux abords d'un pont qui
venait d'être hâtivement réparé. Il fallait desceller les planches inférieures
du wagon, se glisser dessous, s'accrocher à la barre de frein, sauter sur la
voie au bon moment, avec la terreur d'avoir la tête fracassée ou les jambes
sectionnées. La plupart de ces évadés, pris en charge par les maquis, ont
presque aussitôt repris le combat, et contribué, parfois héroïquement, à la
libération du territoire.
Pour les 536 détenus en
provenance du train parvenus à Dachau, un autre enfer commence. Les femmes
dirigées vers Ravensbrück, les hommes les plus valides vers Mauthausen, et le
plus grand nombre maintenu à Dachau. Beaucoup ne survivront pas à l'effroyable
épidémie de typhus qui s'est répandue sur le camp, pendant l'hiver 1944-1945.
Mon grand-père, Guido
Palmino, fait partie de ceux qui n'en sont pas revenus. Je conserve la lettre,
déchirante, qui raconte sa mort, nu, dans la neige, et que ma famille n'a reçue
qu'aux premiers jours de 1947 (auparavant, il n'était considéré que comme
« disparu »). Ce n'est que très récemment que j'ai compris, en
recoupant des informations, que le témoin de son supplice était alors un tout
jeune résistant de moins de vingt ans, membre de l' « équipe
spéciale » des FTP de la région Languedoc, qui avait voyagé avec lui dans
le Train Fantôme, et qui était, à Dachau, son compagnon de chambrée. Le puzzle,
peu à peu, se reconstituait.
Des victimes, mais aussi
des combattants
Au fur et à mesure que j'ai mis des noms sur
les corps des déportés du Train Fantôme, que j'ai découvert des visages
derrière ces noms, puis reconstitué des biographies derrière ces visages,
quelque chose s'est imposé à moi : il ne s'agissait pas seulement, pour
nous, de compatir au sort de ces victimes de la barbarie nazie, mais aussi,
surtout, d'honorer des combattants.
Ceux qui provenaient du
camp du Vernet étaient pour la plupart trop âgés, en 1944, pour que je puisse
les rencontrer, plus de 60 ans après. C'est essentiellement à travers des
témoignages, des récits, des archives, des souvenirs de leurs descendants, que
j'ai pu comprendre, peu à peu, qui étaient ces résistants de toutes les
nationalités. Ceux qui avaient choisi de risquer leur vie pour leur pays
d'accueil, même si celui-ci les avait souvent très mal reçus (je pense au sort
des républicains espagnols réfugiés, parqués dans des camps dès leur arrivée en
France).
Découvrant, au passage,
toute l'effervescence culturelle et politique qui avait régné, pendant quatre
ans, au Vernet, avec ces collectifs de résistance secrets, et même ce comité
militaire clandestin, destiné à entraîner et former les détenus pour le moment
où il faudrait reprendre le combat.
Découvrant, aussi (ce dont
aucun historien, à ma connaissance, n'a jamais parlé) qu'une unité d'action
avait fini par s'imposer au Vernet entre communistes et anarchistes espagnols,
pourtant hier ennemis jurés.
Découvrant, à travers eux,
toute l'épopée des Brigades Internationales, auxquelles plusieurs d'entre eux
avaient participé. Le rôle capital joué par ces FTP-MOI, présents dans la
résistance active dès ses origines, et que les visions « nationales »
de la Résistance propagées après-guerre, tant par les gaullistes que les
communistes, ont eu tendance à repousser dans l'ombre (le souvenir du groupe
Manouchian, de ceux de l'Affiche rouge, étant pour ainsi dire l'arbre qui cache
la forêt). L'importance non moins décisive de ces unités de guérilleros
espagnols opérant dans la région toulousaine et les départements pyrénéens, et
qui contribuèrent à la libération du territoire dans tout ce secteur.
Quelques figures se
détachant de l'ensemble ? Juan de Pablo, par exemple, de son vrai nom
Dezsö Jasz, un émissaire hongrois du Komintern, devenu lieutenant-colonel de
l'armée républicaine espagnole, puis combattant, en France, dans un groupe de guérilleros
de l'Ariège, et qui dirigeait, au Vernet, ce fameux comité militaire clandestin
– l'un de ceux dont l'autorité impressionnait jusqu'à ses ennemis, et qui
s'autorisait même, pendant le parcours du train, à donner des leçons de
stratégie à certains officiers allemands de l'escorte, passablement éberlués...
Ou Francesco Nitti, dirigeant socialiste italien, évadé des prisons de
Mussolini, officier des Brigades Internationales en Espagne, puis combattant de
la Résistance, en France, avant d'être arrêté, interné au camp du Vernet – et
qui fut le premier, en 1945, à écrire un petit livre de témoignage sur le Train
Fantôme, hélas sans grand retentissement au moment de sa parution, et très vite
sombré dans l'oubli... Ou Vicente Parra, médecin espagnol, chef des services
sanitaires du Vernet, qui s'efforça, tout au long du parcours du train,
d'adoucir le sort de ses codétenus, et qui continua cet effort jusqu'à Dachau,
où il avait été recruté à l'hôpital du camp, parvenant même, dans les pires
conditions qui soient, à sauver la vie de certains de ses camarades... Ou
encore l'avocat italien Gian-Pietro Mossolin, qui tenta, pendant le parcours du
train, de faire respecter les règles internationales de la guerre au chef de
convoi, qui lui répliqua, hélas, par une fin de non-recevoir...
Et Guido Palmino, mon grand-père,
parmi eux, au milieu de ces vieux combattants italiens, Borrani, Baiocchi,
Pedrini, qui prolongeaient en France, comme naturellement, le combat
anti-fasciste qu'ils avaient engagé, en Italie, contre le régime de
Mussolini...
Des personnages d'exception
D'autres figures, encore, qui se sont
détachées de l'ensemble, parmi ceux qui étaient issus des prisons de Toulouse
et de Bordeaux, où plusieurs d'entre eux avaient été rudoyés, torturés. Ce Juif
russe d'Odessa, par exemple, Meyer Kokine, principal animateur du mouvement Libérer
et Fédérer – un réseau de résistance qui n'a guère trouvé sa place dans les
annales officielles (je ne vois guère que Jean-Luc Godard, curieusement, pour
l'avoir mentionné dans un de ses films récents).
Ou René Lafond, l'intraitable
dirigeant du maquis du Médoc...
Ou cet imam de la mosquée
de Paris, Abdelkader Mesli, menacé par la gestapo pour avoir aidé et sauvé
des Juifs dans Paris occupé, puis replié à Bordeaux, officiellement
aumônier musulman des prisons de la ville, participant parallèlement à un
réseau de confection de faux-papiers, notamment pour l'Organisation de
Résistance de l'Armée – avant d'être arrêté, emprisonné, puis déporté dans le
Train Fantôme.
Une histoire qu'il ne
serait pas inutile de faire connaître, le plus largement possible, aujourd'hui
plus que jamais...
Ange Alvarez, aussi, le
plus jeune déporté du convoi, un mineur d'Alès, né dans une famille espagnole
où tout le monde, dès l'origine, a participé à la Résistance – devenu quant à
lui l'un des membres de l' « équipe spéciale » des FTP du Languedoc,
chargée des actions les plus risquées. Ange Alvarez qui fut aussi le premier à
s'évader du train, dès le premier jour de son parcours, arrachant les barbelés
qui fermaient la lucarne de son wagon, sautant à l'extérieur, fuyant sous les
rafales des mitraillettes allemandes, traversant, blessé, la Garonne à la nage
– avant, quelques jours plus tard, de reprendre l'action armée, de participer aux combats de Bédarrieux et de
Saint-Pons, à la libération de Béziers et de Montpellier...
Je revois régulièrement
Ange Alvarez, aujourd'hui. Une étrange complicité tacite est née entre nous, en
dépit de la différence d'âge, et d'expérience. Mais je ne puis jamais
m'empêcher de voir, derrière le vieil homme relativement apaisé qu'il est
devenu, ce jeune résistant de 17 ans, intrépide, furieux, convaincu de son
invulnérabilité.
Je pense aussi à ces deux
jeunes étudiants, Claude et Raymond Lévy, issus d'une famille juive de
Salonique, que l'on avait réussi à « planquer » pour échapper aux
persécutions, mais qui n'avaient qu'une envie, celle de ne pas subir le sort
qui leur était promis, et de se battre contre les nazis – et qui ont fini,
après bien des péripéties, par rejoindre la 35ème brigade FTP-MOI, à Toulouse,
et par se lancer dans les actions les plus héroïques, les plus téméraires,
harcelant sans relâche les occupants, avant de se retrouver dans les wagons du
Train Fantôme.
Raymond Lévy, après son évasion
du train, en Haute-Marne, s'était engagé dans la 2ème DB du général Leclerc,
avait poursuivi la guerre jusqu'à l'occupation de l'Allemagne. Il avait vécu,
par la suite, une tout autre vie, était devenu éditeur d'art, un temps
producteur de cinéma, et pendant longtemps était demeuré étonnamment discret
sur ce qu'il avait accompli à vingt ans. Ce n'est que récemment, au soir de sa
vie, qu'il s'était décidé à revenir, par plusieurs témoignages, notamment
filmés, sur cette période de son existence. Mais sans se départir jamais de sa
discrétion, de son élégance.
L'écho du maquis
Bir-Hakeim
Un personnage flamboyant, au cœur de la
souffrance et de la détresse des déportés du Train Fantôme ?
Incontestablement, Christian de Roquemaurel, qui par son panache, son ironie,
sa morgue, impressionnait tous les autres détenus. Je ne l'ai hélas pas connu,
mais c'est par un petit récit de souvenirs écrits par lui que j'ai pu découvrir
l'aventure, mal connue, de ce maquis Bir-Hakeim, dont il fut l'un des derniers chefs
militaires.
Ce maquis formé initialement par des officiers français de tradition
maurrassienne, mais qui, imprégnés d'un patriotisme indéfectible, n'avaient pas
accepté la capitulation, ni le ralliement de Maurras à Pétain ; et avaient
réussi à créer, des Cévennes au
Languedoc, une véritable petite formation militaire clandestine, mobile,
active, entraînée, disciplinée. Le seul maquis à avoir, dès 1943, affronté les occupants dans une
bataille rangée (le combat de Dourch, dans l'Aveyron), et à en avoir triomphé.
Ce qui fut d'ailleurs mentionné et salué par le général de Gaulle, dans ses Mémoires
de guerre – mais n'a, en dépit de cela, guère laissé de traces dans la
mémoire officielle...
Christian de Roquemaurel,
donc, était issu d'un milieu d'officiers de carrière, monarchistes,
viscéralement hostiles au Front Populaire, plus ou moins antisémites. Et on le
retrouve là, dans ce convoi, au milieu de combattants communistes et de
résistants juifs, qu'il apprend peu à peu à apprécier. Tous ceux-là, du reste,
de leur côté, n'avaient cessé d'admirer son exceptionnel courage, empreint de
défi, face aux nazis. Il fut, dans ce parcours du Train Fantôme, le principal
instigateur des évasions.
L'expérience des camps
La plupart des déportés qui sont revenus des camps en 1945
sont restés plutôt silencieux sur ce qu'ils y avaient subi. D'abord, parce
qu'ils ont très vite perçu qu'on ne les croyait pas, et qu'on n'avait pas vraiment
envie de les écouter. Ensuite, parce que, pour les plus jeunes, l'envie de
vivre, comme une revanche, passait par la nécessité d'oublier (Jorge Semprun en
a très bien parlé). Enfin, parce qu'ils ne pouvaient s'empêcher de ressentir un
absurde et torturant sentiment de culpabilité, lié au malaise d'avoir survécu,
alors que tant de leurs camarades étaient partis en fumée, ou avaient disparu
dans les charniers.
Le bâtonnier de Bayonne,
Jacques Simonet, un résistant qui était dans le train, lorsque ses
petits-enfants l'interrogeaient à propos des chiffres tatoués sur son
avant-bras, leur répondait, imperturbable, qu'il s'agissait d'un numéro de
téléphone qu'il avait peur d'oublier.
Conchita Ramos, l'une des
déportées du Train Fantôme, ancienne agente de liaison des FTP de l'Ariège et
de la région toulousaine, est étonnamment lucide sur les traumatismes
ineffaçables engendrés par l'horreur des camps. Me racontant, par exemple,
qu'elle a mis très longtemps avant de pouvoir tolérer la présence d'un chien à
ses côtés. Et qu'aujourd'hui encore, plus de 70 ans après, elle ne supporte
toujours pas l'odeur de viande grillée qui émane d'un barbecue.
Mais c'est Renée Lacoude,
autre déportée du convoi, survivante de Ravensbrück, grande résistante de
Bordeaux, qui a sondé le mieux, me semble-t-il, le cœur de l'expérience. Nous
avions tant vécu, me disait-elle, dans le règne de la mort, à son contact
quotidien, que nous avons eu le sentiment, après notre retour, d'être d'une
autre espèce, irrémédiablement liée à la mort – étrangère, en tout cas, à ce
qui agitait ceux qui n'avaient pas traversé la même réalité.
Un témoignage incroyable
Marc Brafman, lui, avait réussi à survivre à
Dachau : en dissimulant qu'il était juif, puis en devenant infirmier à
l'hôpital du camp (le Revier), bénéficiant ainsi de conditions de vie un
peu moins terribles. C'est un autre déporté du Train Fantôme, Vicente Parra
(l'ancien chef, donc, des services sanitaires du Vernet), intégré à l'équipe du
Revier, qui l'avait fait recruter. Parra, au demeurant, était parvenu,
dans ses fonctions, à sauver la vie de plusieurs de ses codétenus du convoi.
Marc Brafman et ses parents
C'est Brafman, encore, qui
m'a raconté cela, que d'autres témoignages m'ont confirmé : en 1945, lors
de la libération de Dachau par les Américains, ceux-ci avaient décidé de
maintenir au camp les détenus espagnols – il était question, même, de les
rapatrier directement en Espagne (où ils auraient bien entendu été
immédiatement incarcérés, voire exécutés). Parra s'y était fermement opposé,
mais il a fallu toute l'autorité d'Edmond Michelet (qui représentait la France
au sein du comité international clandestin créé parmi les déportés) pour que
ces Américains finissent par consentir, au terme de discussions tendues, à
renvoyer en France tous les résistants étrangers qui y avaient été arrêtés, et
qui le désiraient.
L'Amicale des Déportés
Résistants du Train Fantôme
Il a fallu attendre 45 ans pour que
l'histoire du Train Fantôme soit ressuscitée – essentiellement grâce aux
efforts de quelques habitants de Sorgues (au premier rang desquels Robert Silve
et son épouse Edith), bientôt rejoints et épaulés par l'un des témoins, à douze
ans, du passage des déportés dans son village (Charles Teissier).
Ceux-là sont peu à peu parvenus à retrouver les survivants, à les contacter, à les reconnecter, à les réunir – et une Amicale s'est créée, donc, en 1993, vouée à entretenir le souvenir de ce chapitre censuré de l'histoire de la Résistance et de la Déportation, et à s'efforcer de l'inscrire dans la mémoire collective.
Ceux-là sont peu à peu parvenus à retrouver les survivants, à les contacter, à les reconnecter, à les réunir – et une Amicale s'est créée, donc, en 1993, vouée à entretenir le souvenir de ce chapitre censuré de l'histoire de la Résistance et de la Déportation, et à s'efforcer de l'inscrire dans la mémoire collective.
Un mémorial est érigé,
devant la gare de Sorgues, où les membres de l'Amicale participent à une
cérémonie commémorative, tous les 18 août (anniversaire du passage des déportés
à cet endroit).
Beaucoup de survivants du
convoi sont morts, désormais. Mais leurs descendants ont pris le relai – et
cette Amicale, contre toute attente, ne cesse de se renforcer. Il s'est peu à
peu créé, entre ses membres, un étonnant climat de connivence, de fraternité,
d'amitié.
Ce n'est pas seulement par
« devoir de mémoire », autrement dit, que les participants à cette
cérémonie se retrouvent. Plutôt parce qu'ils ressentent qu'un peu de cet esprit
de la résistance qui animait les déportés du train passe par eux,
désormais.
La gare de Sorgues, ce jour-là, est définitivement un lieu habité.
Prison St Michel Toulouse
Amicale du train fantôme en 1992
Ange Alvarez 1945
Ange Alvarez 2016
Survivants
du train fantôme en 1991
Raymond Lévy
Le 24 mars 2012, à
Toulouse, lorsque mon ami Jean-Daniel Simonet et moi sommes sortis de
l'aéroport pour nous rendre à la gare, où une cérémonie était organisée pour
l'inauguration d'une plaque rappelant le départ du Train Fantôme – nous étions
accompagnés de Raymond Lévy, dernier survivant, à cette date, de la 35ème
brigade FTP-MOI, qui avait tenu à faire le voyage avec nous. Or Raymond Lévy, à
un moment, fit arrêter quelques minutes le taxi qui nous conduisait auprès d'un
carrefour, s'excusant presque, et, nous a-t-il dit, pour des raisons
« sentimentales ».
Souvenir d'une histoire
amoureuse, au cœur des années noires ? D'une aventure ? Ce n'est que
plus tard, après que le chauffeur de taxi fût reparti, que Raymond Lévy, avec
la distance et l'élégance qui le caractérisaient, nous a éclairés :
« C'est à ce carrefour-là, nous a-t-il confié, que j'ai exécuté,
au revolver, à bout portant, mon premier officier nazi...»
Raymond Lévy est mort à son
tour, à la fin de l'année 2014. Lors de son inhumation, le 15 décembre, j'ai
cru voir resurgir et se déployer, invisiblement, autour de lui, tout un monde
de souffrance, de bravoure, d'insoumission, d'amour éperdu de la liberté. Comme
si les fantômes du train étaient là, autour de la tombe ouverte. J'ai repensé à
Faulkner : « Le passé n'est
jamais mort. Il n'est même pas passé. »
Un film nécessaire
Il y a dans tout cela, je
crois, matière à un film d'autant plus nécessaire que la somme de films
(documentaires ou fictions) dont nous avons été abreuvés ces derniers temps, à
propos de cette période, sont paradoxalement loin d'avoir saturé le sujet.
Il reste des zones d'ombre,
des pans entiers de l'Histoire, que les représentations convenues ont continué
à occulter, alors même que cela pourrait nous parler directement, de façon
vivante – non pas comme des chapitres poussiéreux de l'Histoire, mais comme
quelque chose qui nous appelle, nous concerne, ici et maintenant.
Au-delà de
l'invraisemblable et tragique histoire du Train Fantôme, il me paraît essentiel
de raconter QUI étaient les combattants que ce convoi rassemblait.
Parce qu'ils ont joué un
rôle, dans la Résistance, que la mémoire officielle n'a pas toujours retenu
comme il le faudrait.
Parce qu'ils étaient de
différentes origines, venus de toute l'Europe, et que le rôle des combattants
étrangers dans la Résistance française, lui aussi, a trop souvent été
sous-estimé.
Beaucoup de ces combattants
étaient des immigrés.
Parce qu'ils provenaient
d'horizons politiques différents : on trouvait dans le train des
communistes (eux-mêmes bien divers : depuis un aparatchik officiel
du Komintern comme Juan de Pablo jusqu'à ceux, de la mouvance de Guingouin, ou
des réseaux de FTP-MOI, qui avaient engagé la lutte contre les occupants dès
1940, et avaient largement échappé, pendant quatre ans, au contrôle de
l'appareil stalinien) ; on y trouvait aussi des anarchistes (les anciens
de la colonne Durruti internés au camp du Vernet), des socialistes, des
radicaux du Sud-Ouest, des républicains, des gaullistes de la première heure,
des membres de réseaux de la Résistance plutôt classés à droite (comme l'OCM),
et jusqu'à des anciens maurrassiens qui, par patriotisme, avaient refusé la capitulation,
et le régime de Vichy, et ont voulu continuer le combat.
Parce que, pendant les
quatre semaines où ils furent enfermés à la synagogue de Bordeaux, ils ont
appris à se connaître. A surmonter, entre eux, les préventions et les préjugés.
Parce qu'ils ont, par deux
fois, tous ensemble, chanté La Marseillaise en défiant leurs bourreaux,
et que ce chant était le symbole de ce qui les rassemblait.
Parce que ces métèques, ces
proscrits, ces parias, à ce moment-là, étaient la France, alors que tant
de français « de souche » s'étaient couchés devant les occupants.
Parce qu'une fraternité de
combat est née dans la détresse commune, et qu'elle s'est exercée, notamment,
dans un nombre impressionnant d'évasions collectives.
Parce qu'il y avait, parmi
ces 750 déportés, des personnages hors du commun, hauts en couleur, dont
chacun, presque, pourrait faire l'objet d'un film.
Parce que nous disposons de
documents où ils figurent, où ils témoignent, et que plusieurs de leurs
descendants peuvent en parler, non comme de « héros » ou de
« martyrs » (ce qu'ils furent aussi), mais comme des êtres de chair
et de sang.
Mais aussi parce qu'ils ont
été, pour la plupart, les oubliés de la Résistance.
Parce qu'ils ont été
animés, au total, par une certaine idée de l'Europe, forgée dans les combats
contre le fascisme menés dans tous leurs pays d'origine – et que cette idée de
l'Europe, aujourd'hui, elle est sans aucun doute à reprendre, à prolonger, à
réinventer.
Cela, aussi : il n'y
avait, dans leur engagement, rien de sacrificiel : il n'y eut aucun
« attentat-suicide » dans la Résistance.
Ils aimaient la vie.
« Amoureux de vivre à en mourir », écrivait Aragon
à propos des fusillés de l'Affiche Rouge. Cela pourrait s'appliquer aussi aux
combattants réunis dans ce train de la mort.
NOTE DE REALISATION de Jorge Amat
Un sujet: un train qui hère dans une France en feu,
un décor un train de déportation,
les personnages: 700 détenus politiques, un genre:
un documentaire historique.
Comment raconter l'histoire méconnue des résistants Français, Espagnols,
Italiens,
Allemands qui se trouvaient dans le " train fantôme "?
Ce n'est pas la première fois que je me retrouve devant ce dilemme, déjà
avec "La traque de l'affiche rouge", "La propagande de
Vichy" et la France des camps" dont ce film est la suite logique j'ai
résolu ce problème à travers une
enquête porté par un historien qui parle dans les lieux même des actions et
illustré par des stocks shoots et la parole des intervenants.
Avec le train fantôme je veux donner un visage et une histoire à
quelques résistants qui sortaient des camps Français d'internements et
des prisons. Mon intention première est de transmettre ce message de
lutte, d'espoir de personnes qui ont lutté contre la barbarie, sans égoïsme,
sans penser à eux même.
Il reste peu de survivants, mais heureusement nous avons des
enregistrements filmiques faits il y a 10 et 20 ans par une cameraman anglaise
et moi-même. Par miracle ces archives ont été digitalisée et la qualité de
l'image en 16 mm couleur est remarquable. Nous avons aussi les témoignages des familles qui se battent aujourd'hui
pour que cette mémoire reste vivante, à travers l'Amicale des Déportés
Résistants du Train Fantôme.
L'histoire du Train Fantôme fut tragique : vingt fois le parcours
du train aurait dû être interrompu, et vingt fois celui-ci est parvenu à
surmonter ces obstacles, et à poursuivre son itinéraire, comme si une
implacable fatalité s'acharnait sur un tel convoi. Mais pas question pour
autant de sombrer dans les facilités de la
« mémoire-lamentation » : tout autant que de pleurer des
victimes, il s'agit dans ce film d'honorer des combattants.
Le début du film doit être comme une bande annonce de mélange d'archives du débarquement
allié, d'actions de Résistance, d'images de répression des nazis aidés par la
Milice Française et de cartes de la France avec la voix en off de l'historienne
Christine Lévisse Touzé. Elle nous dit que nous sommes en juillet 1944, que le de
plus en plus courageuse et que les américains débarqués en Normandie avancent avec plus de 130 000 soldats
et plus de dix milles avions qui pilonnent les forces allemande. Elle raconte
que le gouvernement de Pétain décide dans un dernier sursaut de haine livrer
les derniers prisonniers politique au SS, vers les camps de la mort. Qui sont
ces déportés et pourquoi avaient-ils été emprisonnés? Comment les sortir de
l'oubli? Les images sortent en majorités de la librairie du Congrès des USA.
Avec Guy Scarpetta, qui sera notre passeur tout le long du film on se
trouve devant les tombes (que des
étrangers) du cimetière de l'ancien
camp du Vernet. Devant la liste des noms des internés qui furent livrés
aux allemands il nous dit qui sont ces gens qui vont subir un nouveau calvaire
vers Dachau. Les espagnols avaient fuient Franco comme les polonais et les 30
autres nationalités des Brigades Internationales, des allemands, …
antifascistes. Les nazis prévoyant leur retraite avaient décider d'exterminer
cette vermine rouge. Parmi eux se
trouve l'hongrois "Juan de Pablo", membre du Komintern, membre des
Brigades internationales en Espagne puis résistant en France, c'est lui qui
devint pus ou moins le commissaire politique des prisonniers dans le convoi.
Les 350 prisonniers politiques s'entassent dans des wagons du même genre
que celui que l'on peut voir un sur l'ancienne Gare du Vernet. Il s'agit dans un premier temps d'une
façon dynamique de rendre compte du contexte de ce moment dramatique de juillet
1944.Qui a donner cet ordre
absurde en pleine débâcle allemande d'emmener à la mort ces détenus? Est
ce une machine bureaucratique qui gère l'extermination des opposants et des
juifs qui s'emballe? Est ce une volonté de détruire des témoins gênants? C'est
un peu de tout cela nous dira Scarpetta.
régime de Vichy est au abois, que les mouvements de Résistance font des
actions
De là nous suivrons les rails pour nous retrouver devant la prison St
Michel à Toulouse.
Prison St Michel à Toulouse.
La prison St Michel de Toulouse est célèbre pour avoir
"hébergé" de nombreux résistants et où fut guillotiné "Marcel
Langer" chef de la 35ème brigades FTP MOI. D'ici sortirent aussi plusieurs
centaines de politique comme les frères Raymond et Claude Levy" et
Conchita Ramos. Elle nous
racontera les circonstances de son arrestation et de sa déportation. Raymond
Levy (archives) décrira ses actions contre les nazis à Toulouse avec les FTP
MOI.
De la gare de Toulouse (mélange de tournage et d'archives) on va suivre
la voie de chemin de fer vers Bordeaux. Nous retrouvons Scarpetta devant une
des tours du fort du Hâ (Bordeaux), qui pendant la guerre fut utilisé par les
allemands comme prison pour les politiques. Il nous raconte l'arrivé du train,
son départ vers l'Allemagne, bombardements, sabotages, le train reviens et les
hommes sont enfermés à la synagogue de Bordeaux. Nous donnerons la parole au
fils de l'iman de la grande Mosquée de Paris qui y était enfermé. Il nous
mettra en évidence la solidarité de son père, Abdelkasem Mesli, qui fut
résistant et aida les juifs. Il fut déporté à Dachau puis à Mauthausen.
Pour le 14 juillet ils chantent la Marseillaise. Le train repart 21
jours plus tard avec 150 prisonniers en plus. On suit toujours la voie ferrée
avec les paysages filmés de nuit vers Carcassonnes, Nimes, le train remonte la vallée
du Rhône, les actions des partisans se font de plus en plus virulentes, le
train est bloquée à Roquemaure, le pont
de Remoulins a sauté. S'ensuit une
marche forcé de 17 km d'un long convoie d'hommes en aillons, malades,
crevants de soif qui traversent la ville de Sorgue. Avec l'aide de cheminots et
de la population des dizaines de détenus ont réussi à s'évader.
Pour illustrer ce moment nous allons suivre de nos jours une centaine de
jeunes, petits fils de ces détenus qui viennent du monde entier qui refont le
même chemin tous les 18 aout. Certains nous raconteront comment leur gd père
c'est évadé en sautant dans le Rhône ou caché sous un train avec la complicité
des cheminots de Sorgue. Devant la
gare de Sorgue Ange Alvarez jeune résistant à l'époque racontera son évasion
mouvementée. Le long de la ligne de chemin de fer vers Montélimar on mettra en
image (reconstitution avec des images d'archives) l'essai avorté de libération
des prisonniers par un commando de maquisards de la Drôme. C'est encore le
docteur Vincente Parra qui soignera les blessés. Le train dépasse Lyon le 21
aout, arrive à metz. Entre temps plusieurs détenus ont pris le risque de
s'évader adu train en marche en arrachant des planches et se laissant tomber
sur le ballast, ce qui provoqua plusieurs morts. Pour Christian de Roquemaurel,
Francesco Nitti et les frères Levy autours du 25 aout. Marc Brafman fut reprit.
Le train arrive à Dachau le 28 aout 1944 à
1 heure du matin. Les prisonniers du train fantôme sont 543. Ils sont
partis 700 de Toulouse. Images filmé maintenant d'un long travelling dans la
brume qui enveloppe le camps de Dachau pour décrire leurs arrivées avec le
témoignage de Marc Brafman et de Conchita Ramos. Ils ne seront libérés par le américain que le 29 avril 1945
comme nous le montre les images filmées par les troupes américaines.
La structure du film sera constituée d'une façon chronologique sur trois
niveaux. Le premier, qui sera la cheville ouvrière de la continuité, est le
récit et le commentaire en situation dans les lieux même du passage du train. La
géographie des lieux du passage des prisonniers doit être le décor où le
narrateur (Guy Scarpetta) va décrire les évènements et le contexte de l'époque
qui sera illustré par des archives.
Le deuxième niveau qui est constitué par la parole des protagonistes
(les survivants) et le témoignage filmé de ceux qui ont disparus. Dans chaque
lieu symbolique de la répression (prisons, camps, gares, villes traversés) nous
mettrons en avant un ou plusieurs personnages, en le décrivant, racontant sa
trajectoire et lui donnant la parole (si on à une archive). Là se trouvent les
moments forts du film où nos témoins racontent un épisode dramatique ou
importante de cette épopée.
Le troisième niveau sera mis en évidence au fur et à mesure du tournage
avec les archives de la police, des tribunaux et d'autres actes officiels qui
donneront une assise historico-légale (comme une expertise) aux faits racontés.
Le montage très important de ce genre de film devra donner une
continuité et une fluidité à toutes ces images venant de nombreuses sources.
Pour les cas où il n'y aurait pas de témoins ce seront les membres de leurs familles
qui rappelleront le souvenir d'histoires incroyables. Par le biais du montage
nous mettrons en avant le suspens, l'inquiétude et l'âpreté de la guerre en
aout 1944. L'enquête mettra en évidence des détails liés à chaque lieu, à
travers un témoignage sur des évasions, des brimades, exécutions et surtout la
solidarité qui leurs à permis de survivre.
Le train, les gares, le rail, l'été, les paysages qui défilent, tout
cela fait partie de notre visuel. Mais à part cette machine de mort qui hante
pendant deux mois les rails de la France, il y a les lieux où cette bête de fer et de feu s'est
abreuvée. Il s'agit du camp d'internement du Vernet, de la prison St Michel de
Toulouse, de la synagogue et du Fort du Hâ de Bordeaux, mais aussi des maquis
qui jalonnent les voies.
Une histoire fascinante, car ces résistants sortis des prisons de
Bordeaux, de Toulouse et d'autres lieux d'emprisonnements avaient un long
parcours de lutte. En faisant notre investigation dans les archives nous avons
découvert que beaucoup avaient déjà lutté en Espagne, en Allemagne et l’Italie
fasciste.
Nous ferons la liaison entre ces hommes captifs, et ceux des maquis qui
faisaient sauter les ponts et les voies ferrées au même moment; pendant son
parcours dans la vallée du Rhône, le train n'a précédé que de quelques jours la
progression des armées alliées débarquées en Provence : Nous pouvons voir dans
la presse de l'époque qu'une semaine après son passage, la région était
libérée...à quelques jours près ce train ne serait jamais arrivé à Dachau.
Comme dans une enquête, nous allons reconstituer les faits grâce aux
écrits, aux archives, aux témoignages, aux souvenirs des rares derniers
survivants, et de leurs descendants. D'une façon chronologique à travers ces
traces et la presse de l'époque nous allons revisiter l'actualité politique et
sociale de cette époque de l'occupation et de la résistance.
Actions de la Résistance 1944
Par exemple
Raymond et Claude Levy rejoignent
la résistance à 18 ans et 19 ans
à Toulouse, dans la 35ème brigade Marcel Langer « MOI ». Ils se lancent dans
la guérilla urbaine. Ils participent aux attentats (jusqu’à 3 par jour) à la
destruction de locomotives, aux exécutions d'officiers allemands. Ils sont
arrêtés le 4 avril 1944, après la découverte d'un dépôt d'armes. La brigade
Marcel Langer est anéantie. Huit membres dont les frères Levy sont incarcérés à
la prison St Michel de Toulouse avant de rejoindre le convoi du train fantôme.
Pour Claude Levy ils sont les oubliés de la Résistance.
ITV Claude
Levy : A travers les
documents de la police on peut voir que cela ressemble à un roman policier: des
énigmes sont posées. A travers enquêtes et filatures on peut suivre le
déroulement de la traque des clandestins et apprécier le zèle et l'efficacité
de la police vichyste et sa duplicité.
A travers les témoignages
nous montrerons pourquoi ces prisonniers furent déportés, et par qui ; nous
confirmerons que c'est bien la police française de Vichy qui les a livré aux
occupants allemands.
Ange Alvarez et l'équipe spéciale de Montpellier
Ange Alvarez qui était entré dans la
résistance à l'âge de 15 ans nous dit devant la gare de Sorgue: « j'avais gravi peu à peu les échelons,
jusqu'à devenir membre d'un groupe spécial inter-régional J’étais chargé de tuer tous les soirs
un officier allemand dans la région située du Gard jusqu’aux Pyrénées
orientales. Nous fûmes arrêtés à Montpellier : torturés dix jours et dix nuits,
nous n'avons pas parlé. Finalement on nous transféra à la prison Saint Michel à
Toulouse. Huit mois plus tard, sous alimentés, le 30 juin 1944 les autorités de
Vichy nous remettaient aux SS.
Libertaire et communiste (je ne le suis plus depuis un voyage voilà trente
ans en U.R.S.S.) j'avais déjà songé à deux ou trois plans d'évasion qui
n'avaient pas été approuvés par le Parti Communiste : j'avais donc obéi. Nous
étions quatre-vingts hommes entassés dans un train qui resta toute l'après-midi
en plein soleil. Les allemands avaient cloué des barres de bois et des
fils barbelés sur chaque fenêtre. A quatre mètres de nous était posté un
SS avec un fusil mitrailleur : je voulais lui foncer dessus après diversion,
mais mon entourage a refusé. »
Le facteur psychologique des prisonniers devant
le danger et l'ennemi sera mis en évidence. Il y en a comme Alvarez, les frères
Claude et Raymond Levy qui dès le début de leurs emprisonnements ne pensent
qu'à s'évader. Ce qu'ils feront de nombreuses fois avant de réussir. Personne
n'est égal en situation de crise.
Internés du camp du Vernet
Toujours aux archives départementales la liste des internés au Vernet
nous révèlera le très grand nombre de résistants étrangers dans le convoi :
façon de souligner le rôle de ces étrangers dans la résistance, généralement
mal connu, et de faire apparaitre cette grande solidarité européenne contre le
fascisme, qui remontait à l'Espagne de 1936, à l'épopée des Brigades
Internationales.
Il y avait dans le train des Français de souche, des républicains
espagnols (très nombreux), des
antifascistes, des Juifs de Pologne et d'Europe centrale, des Allemands
et Autrichiens antinazis, des Yougoslaves, des Hongrois, des Tchèques, des
Portugais, des Arméniens, etc tous rassemblés dans la même solidarité de
combat.
Nous montrerons, aussi, comment ces déportés, dans leur calvaire,
reçurent parfois le soutien des populations locales, et l'aide des
cheminots qui a favorisé de
nombreuses évasions.
Toujours dans le dispositif de tournage il faudra montrer combien ces
hommes et ces femmes sont emblématiques de toute la diversité de la Résistance
; ils pouvaient venir d'horizons politiques très variés : il y avait parmi eux
des gens de droite, et même des aristocrates, « maurassiens » d'origine, des
radicaux, des républicains, des socialistes, des communistes, des anarchistes –
rassemblés dans l'antifascisme. Il importe de bien montrer cette diversité.
L'autre facteur qui me fascine dans cette histoire est la façon dont
elle est revenue à la lumière, après avoir pendant plus de quarante ans été
pratiquement oubliée, exclue du grand récit officiel sur la résistance et de la
déportation. Quelques individus ont entrepris de la ressusciter, au terme d'un
surprenant travail de recherche, où les personnages du train fantôme
apparaissent comme les cailloux du Petit Poucet...
Peu à peu s'est créée une Amicale vouée à entretenir la mémoire de cet
épisode tragique et héroïque, et rassemblant les derniers survivants du convoi,
leurs descendants, des témoins. Occasion d'une réflexion sur la fragilité et la
force de la mémoire, qui est sans cesse à exhumer, à raviver.
Tout cela sera illustré par la mise en avant de certains personnages
exceptionnels et hauts en couleur du convoi, par le voyage sur les lieux mêmes qui ont jalonné
l'itinéraire du train, les lieux d’où les détenus étaient issus : le camp de
concentration français du Vernet d'Ariège, où le régime de Pétain internait les
« étrangers indésirables », la tristement célèbre Prison Saint-Michel de
Toulouse, le fort du Hâ de Bordeaux, où furent parqués, en 1944, nombre de
résistants du Sud et du Sud-Ouest qui eurent le malheur d'être capturés...
Voilà un autre facteur culturel et historique de notre film: celui de
raconter la fonction des prisons St Michel de Toulouse et du Fort du Ha de
Bordeaux pendant la guerre puisqu’elles ne fonctionnent plus maintenant.
La bande son, la musique, auront un rôle très important, déjà à travers
la sonorisation d'archives souvent muettes et, par le facteur psychologique de
la musique qui soulignera et connotera
le temps de la narration.
Le compositeur musicien Jean Louis Valero
Nous pensons au compositeur Jean Louis Valero, avec
qui je travaille depuis mon film sur Jean Moulin et L'affiche rouge pour la
création de cette musique. Jean Louis
Valero, musicien de Eric Rohmer pour les films comme Pauline à la plage, le
rayon vert, entre autres, a cette
sensibilité d'introduire des phrases musicales et des bruitages élaborés qui
font ressortir les moments dramatiques que nous allons évoquer.
Celle-ci nous servira à faire mieux comprendre le dispositif scénique de
ce puzzle.
C'est Guy Scarpetta qui va nous guider, nous raconter cette histoire,
nous faire ressentir la souffrance et l'héroïsme de ces combattants. C'est avec
lui que nous allons donner vie et visages à ces prisonniers, partager leurs
tourments mais aussi leurs résolutions, leur courage, leurs luttes, leurs
espoirs, leur fraternité.
Scarpetta à la gare de Sorgues
Nous puiserons donc dans les archives de l'administration de Vichy en ce
qui concerne les arrestations, les internements. Nous avons accès aux photos et
documents filmés rassemblés par l'Amicale des Déportés Résistants du Train
Fantôme. Beaucoup d’archives ont été filmées il y a une vingtaine d'années,
lorsque cette Amicale s'est créée.
Ce qui fut exceptionnel, ce ne fut pas seulement l'histoire tragique de
ce convoi, mais aussi celle de sa résurrection. De cela aussi il sera
question : façon d'interroger la précarité et la fragilité de la mémoire,
s'agissant de ceux qui, dans les camps, étaient signalés non par l'étoile
jaune, mais par le triangle rouge des « politiques » ; et qui
ont représenté au total, en France, la moitié de l'ensemble des déportés.
Derniers survivants du convoi, susceptibles
d'apporter leur témoignage :
· Ange Alvarez, mineur d'Alès, résistant d'origine espagnole, ayant combattu dans les
maquis des Cévennes, du Lubéron, du Languedoc, membre de l' « équipe
spéciale » des FTP de Montpellier. Le premier à s'être évadé du train, dès
le premier jour. Participera ensuite aux combats de la libération dans le
Languedoc, contribuera à la libération de Béziers et de Montpellier. Commandeur
de la Légion d'Honneur.
· Renée Lacoude, membre d'un réseau gaulliste de Bordeaux (Organisation Civile et
Militaire), agent de liaison. Incarcérée au fort du Hâ. Conduite à Ravensbrück
après l'arrivée du train à Dachau, libérée en avril 1945, rejoindra la France
après un long périple par le Danemark et la Suède. Exceptionnelle lucidité pour
tout ce qui concerne l'expérience de la déportation.
Renée Lacoude en 2016: 99 ans à Bordeaux
· Conchita
Ramos : agent de liaison des maquis de
l'Ariège (où l'on comptait nombre de maquis exclusivement composés de
combattants espagnols), incarcérée à Foix, puis à la prison Saint-Michel de
Toulouse. Après Dachau, sera transférée à Ravensbrück, puis à Orianenburg.
Evacuée par les Allemands, qui conduiront les détenues vers la Baltique, dans
la « marche de la mort », puis libérée par les Russes, avant d'être
confiée à l'Armée Américaine. Présidente d'honneur du Musée de la Résistance de
Toulouse.
Conchita Ramos 1944
Principaux personnages qui seront
évoqués :
1.
Détenus issus du camp de concentration français du Vernet d'Ariège, où
le régime de Vichy parquait les « étrangers indésirables » :
· Francesco
Nitti : socialiste italien, évadé des
Iles Lipari, où il avait été incarcéré par Mussolini. Combattant en Espagne
dans la brigade « Garibaldi » (volontaires italiens), responsable de
l'artillerie. Interné à Argelès et Collioure après son retour en France, puis
entré dans la résistance (réseau Bertaux). Arrêté, interné au camp de
Saint-Sulpice, puis au Vernet. S'évadera du Train Fantôme en Haute-Marne. Sera
l'auteur, dans les derniers jours de la guerre, du premier récit de témoignage
consacré au Train Fantôme. Deviendra ensuite l'un des dirigeants de premier
plan du Parti Socialiste Italien.
· Vincente
Parra : Chirurgien de Barcelone,
participe à la résistance en France, interné au camp du Vernet, dont il dirige
les services sanitaires. Pendant tout le parcours du Train Fantôme, contribuera
à sauver des vies, et même à faire évacuer certains blessés graves. Parvenu à
Dachau (il aurait refusé de s'évader du train pour rester au service de ses
codétenus), sera intégré à l'hôpital du camp ( le « Revier »), où il
sauvera la vie, de nouveau, à plusieurs de ses camarades du convoi.
Vincente Parra
· Juan de Pablo (Deszö Jasz) : le plus mystérieux... Juif hongrois, ayant
participé à la République des Conseils de Bela Kun, puis publiciste et
agitateur, dans plusieurs pays, sous plusieurs identités. Formé à l'école du
Komintern à Moscou, « révolutionnaire professionnel », devient chargé
d'affaires pour l'Union Soviétique dans la république espagnole ; ayant
acquis la nationalité espagnole, joue un rôle politique et militaire éminent
pendant la guerre civile
(défense
de Madrid, front d'Aragon) ; réfugié en France en 1939, responsable d'un
maquis de l'Ariège, interné au Vernet, où il dirige le comité militaire
clandestin, qui formera des combattants de plusieurs nationalités. Evadé du
train en Haute-Marne, reviendra en Hongrie après la fin de la guerre. Pour
échapper aux purges staliniennes qui frappaient les anciens d'Espagne (comme
son compatriote Rajk, ou son ami le général Janos Gal), parviendra à se faire
nommer, à Berlin-Est, ambassadeur... de la République Espagnole (dix ans après
qu'elle ait cessé d'exister) ; spécialiste en intrigues, en doubles
jeux... De nombreuses zones d'ombre, à son sujet, persistent... Destin
romanesque, hors du commun.
· Autres détenus du Vernet : résistants d'origine espagnole
(Pedro Vasquez, José Artime, Pozuelo, Joseph Valencia, José Serrano, colonel
Velasco, colonel Blasco, colonel Redondo) ou d'origine italienne (Carlo
Borrani, Guido Palmino, Baiocchi, Pedrini, Mossolin).
Juan de Pablo pendant la guerre d'Espagne
2°) Détenus
issus de la Prison Saint-Michel de Toulouse :
· Raymond
Lévy : enfant d'une famille juive de
Salonique, élevé à Paris, réfugié en zône libre tandis que ses parents étaient
déportés à Auschwitz ; entré très tôt, avec son frère Claude, dans la
résistance. Dernier survivant de la mythique 35ème Brigade FTP-MOI de Toulouse,
qui opéra, en moins de trois ans, des centaines d'opération armées contre les
occupants. Incarcéré à la prison Saint-Michel. S'évadera du Train Fantôme en
Haute-Marne, où il participera aux combats de la libération dans le maquis de
Fresnoy. Terminera la guerre dans l'armée d'occupation à Coblence, avant de
commencer une brillante carrière d'éditeur de livres d'art. Il est le père de
l’écrivain Marc Lévy qui lui a rendu hommage en 2007 dans un roman
baptisé Les Enfants de la liberté, jugé par la critique comme l'un
des meilleurs livres de sa carrière d'écrivain.
Claude Levy en 1944
· Christian de
Roquemaurel de L'Isle : militaire de
carrière, aristocrate, issu d'une mouvance « maurassienne » ;
rompt avec cette mouvance après le ralliement de Maurras à Pétain, devient l'un
des fondateurs et le principal animateur militaire du maquis Bir Hakeim basé
dans les Cévennes, qu'il forme et entraîne comme une véritable armée
clandestine. Arrêté à Montpellier, puis transféré à Saint-Michel. Après
plusieurs tentatives, parvient à s'évader du Train Fantôme le 20 août, près de
Montélimar, en compagnie de sept de ses codétenus. Participera aux combats de
la libération dans cette région.
·
Jacob
Insel : Juif polonais. Combat contre
les Anglais, au sein d'une brigade juive, dans la Palestine des années 30.
Retour en Europe suite à des dissensions avec leur leader, Ben Gourion.
Brigades internationales en Espagne. Devient, à Toulouse, le bras droit de
Mendel Langer ( Marcel Langer), son compagnon de combat, à la tête de la 35ème brigade
FTP-MOI, entièrement composée de résistants étrangers, qui s'illustrera par des
centaines d'opérations armées contre les occupants de 1942 à 1944. Arrêté,
déporté, fera partie des détenus du Train Fantôme tués « par
erreur », à Pierrelatte, sous les rafales de l'aviation alliée, qui avait
pris ce train pour un convoi militaire allemand...
Jacob Insel en 1943
· Noël
Peyre-Vidal : dirigeant de la Résistance
de l'Ariège. Alors que les déportés étaient incarcérés dans la synagogue
désaffectée de Bordeaux, devenue lieu de détention sous contrôle des Allemands,
organise à la barbe des gardiens une cérémonie pour fêter le 14 juillet, où il
prononce un discours glorifiant la résistance, faisant acclamer le nom du
général De Gaulle, et appelant à la libération du territoire. Fait partie des
dix prisonniers sélectionnés comme otages par les occupants, et sera fusillé
« en représailles » (à la suite de l'exécution d'un traître par les
résistants) au camp de Souges.
Noel Peyre-vidal (au centre)
· Marc Brafman. Juif polonais, réfugié en France, combattant de la 35ème brigade
FTP-MOI de Toulouse. Echouera à s'évader du train, poursuivra jusqu'à Dachau,
où il parviendra à survivre (en cachant qu'il était juif). Après la guerre,
reviendra en Pologne. A la suite de la politique ouvertement antisémite menée
par le Parti Communiste polonais en 1967-1968, s'exilera de nouveau en France.
L'un des fondateurs de l'Amicale des Déportés du Train Fantôme.
Marc Brafman en 1944
· Autres détenus issus de la prison de Toulouse : Raymond Champel
(chef de l' « équipe spéciale » des FTP de Montpellier), Raymond Heim
(commissaire, lieutenant des Forces Françaises Combattantes, évadé du train
fantôme en gare de Sorgues), Damien Macone et Damien Nardone (de l'organisation
Combat, évadés du train près de Montélimar), Cesare et Nuncio Titonel, Amigo
Zanel (combattants italiens de la 35ème brigade FTP-MOI de Toulouse), etc
Fort du Hâ 1944
Détenus
issus du Fort du Hâ de Bordeaux :
· Meyer Kokhine, Juif d'origine russe, animateur du réseau « Libérer et
Fédérer » dans le bordelais ; évadé du convoi à Sorgues. Premier
président de l'Amicale.
· René
Lafond : instructeur militaire à l'école
de l'air de Rochefort. Fondateur et animateur du maquis du Médoc (région de
Pauilhac). Arrêté par la Gestapo le 13 juillet 1944, torturé, incarcéré au fort
du Hâ. Tentative d'évasion du train fantôme à Valence, repris, poursuivra
jusqu'à Dachau, où il parviendra à survivre, notamment grâce au Docteur Parra.
· Maurice
Lafosse : arrêté le 17 juillet 1944
à Langon (Gironde) alors qu'il tentait de rejoindre le maquis. Evadé du Train
Fantôme le 21 août en gare de Valence, rejoindra la résistance (Armée Secrète)
en Ardèche, où il participera aux combats de la libération.
· Autres détenus venus du Fort du Hâ : le bâtonnier Simonet (résistant de Bayonne, d'origine radicale),
France Boudault (issu d'un réseau de renseignement opérant dans tout le
Sud-Ouest, déporté à Dachau par le train,puis transféré à Mauthausen), Philippe
Toureille (réseau gaulliste « Gallia », l'un des leaders de la
résistance bordelaise), etc.
Le batonnier Simonet
Principaux intervenants de
cette histoire :
· Guy Scarpetta, écrivain, petit-fils de Guido Palmino, auteur d'un livre consacré à
son grand-père (Guido – Gallimard 2014), comportant une reconstitution
minutieuse de toute l'histoire du Train Fantôme (tiendra dans le film le rôle
de narrateur principal).
· Membres fondateurs de l'Amicale des Déportés Résistants du Train
Fantôme, ayant « ressuscité » cette histoire, rassemblé les
survivants et leurs descendants, recueilli leurs témoignages, et dépositaires
des archives écrites et audio-visuelles : Charles Teissier ( témoin, à l'âge de 12 ans, du passage des
déportés à Sorgues, et qui a donné, 40 ans après, l'impulsion de ce travail de
mémoire ; actuellement secrétaire de l'Amicale, gardien de ses archives),
Edith Silve (trésorière de l'Amicale, épouse de Robert Silve, le principal
artisan de cette résurrection, dispose aujourd'hui de l'ensemble des
témoignages écrits).
Descendants
ou parents de déportés du Train, susceptibles d'évoquer la façon dont cette
mémoire s'est transmise : Jean-Daniel
Simonet (Paris), Chantal de Roquemaurel (Paris), Serge Borrani (Paris),
Marie-Rose Pozuelo (Paris), Nadia Titonel (Lot-et-Garonne), Pierrette Leurion
(Bayonne), Silvia Nitti (Rome), les enfants de Mossolin (région toulousaine) et
de René Lafond (Bordeaux), France Gouyet née Baiocchi (Saint-Etienne), etc.
Une coproduction
France Télévisions et alkimia productions
Un film de
Jorge Amat
Ecrit et présenté par Guy Scarpetta
TITRE
LES RESISTANTS DU TRAIN FANTÔME
Produit par
ALKIMIA PRODUCTIONS
******
GENERIQUE DE FIN
Un film réalisé par
Jorge AMAT
Ecrit et présenté par
Guy Scarpetta
Ecrit et présenté par
Guy Scarpetta
Scénario écrit par
Guy SCARPETTA et Jorge AMAT
Conseillère historique
Christine LEVISSE-TOUZE
Image
Thierry MAYBON
Son
Didier BAULES
Montage
Fred GOBIN
Musique originale composée par
Jean-Louis VALERO
Moyens techniques
Master Films
Loca Images
Numeriphot
Didier Baules
Moyens techniques France Télévisions
Direction des opérations
Filière Production
Responsable post-production
Alain
Bonnet
Post-production vidéo
Etalonnage
Fabrice AUDOUIN
Montage son et mixage
Jean-Marc DUSSARDIER
Titrage
Noëlle LOUISOR
Infographie
Alex BABELOT
Archives
Archives Madelyn Most 1992
(Entretiens filmés par Madelyn Most)
Amicale des Déportés Résistants du Train Fantôme
Library of Congres
United States, Department of the Army
United States, Army Air force
The train (John Frankenheimer)
National archives and records administration
Nazi concentration camps
La bataille du rail (René Clément) - LCJ
Editions & Productions
Archives Jorge Amat
Remerciements
Amicale des Déportés Résistants du Train Fantôme
Amicale des Anciens Internés Politiques et
Résistants du Camp de Concentration du Vernet d'Ariège
Amicale des Anciens Guérilleros Espagnols en
France (FFI)
Synagogue de Bordeaux et Consistoire Israélite du
Sud-Ouest
Ecole Nationale de la Magistrature, Bordeaux
(Fort du Hâ)
Musée de la Résistance de Toulouse.
Ville de Toulouse
SNCF Gares et connexions
Marie-Françoise Brun – Directrice des
gares
SNCF Mobilités Midi-Pyrénées – Agence
Communication Régionale
Jean-François Lagadic
Une coproduction
France Télévisions
Alkimia Productions
ALKIMIA PRODUCTIONS
Paco FERNANDEZ
Pascal RICHARD
France Télévisions
Coordination éditoriale France 3 Sud-Ouest
Laurence Mayerfeld
Carlos
Bélinchon
Administratrice de l’antenne
Laurence de Portu
Assistée de Marie-France
Guiseppin
Communication
Véronique Quillet
Evelyne Goll
Avec la participation du
Centre
National de la Cinématographie et de l’Image Animée
•
Avec le soutien
de
la Région Occitanie / Pyrénées-Méditerranée, en partenariat avec le CNC
Avec le soutien
de
la PROCIREP – Société des producteurs
Avec le soutien
de
l’ANGOA
Avec le soutien
de la FONDATION POUR LA MÉMOIRE DE LA SHOAH
Avec la participation
du
ministère de la défense,
secrétariat
général pour l’administration, direction de la mémoire,
du
patrimoine et des archives
•
©
France Télévisions / Alkimia Productions / 2016